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Une bataille juridique met en lumière les problèmes de dépôt biologique en droit des brevets
août 2024
En septembre 2023, une contestation juridique importante intentée par Corteva contre Inari Agriculture a mis en évidence la question des dépôts de semences et nous offre une occasion utile de nous rappeler les exigences légales entourant le dépôt de matériel biologique pour étayer une demande de brevet.
Corteva allègue qu’Inari a enfreint ses brevets en obtenant les semences brevetées de Corteva, en les important illégalement en Europe, en modifiant génétiquement les semences et en demandant une protection par brevet aux États-Unis pour les caractères modifiés. Corteva affirme en outre qu’Inari a fait appel à un tiers pour détourner les semences de Corteva de l’America Type Culture Collection (un institut reconnu pour le dépôt de matériel biologique tel que les semences et les micro-organismes).
Le rôle des dépôts biologiques en droit des brevets
Le droit des brevets accorde un monopole pour une invention en échange de la divulgation de la nature de l’invention. Pour cette raison, une invention doit être décrite dans une demande de brevet d’une manière qui permette de la reproduire. Pour certaines inventions biologiques, une description écrite ne suffit pas à permettre à un tiers de reproduire l’invention, et l’accès à du matériel biologique, tel que des semences ou des micro-organismes, peut être nécessaire pour satisfaire à l’exigence légale de divulgation.
Le traité de Budapest régit le dépôt de ce matériel, permettant d’effectuer un seul dépôt biologique, qui est reconnu par les autres membres du traité par le biais d’accords réciproques. De nombreuses juridictions, dont l’Europe, le Japon et la Corée, exigent que le dépôt soit effectué avant la date de dépôt. Cette exigence garantit que les informations relatives au dépôt sont fournies dans la demande de brevet publiée, dans le cadre de l’enseignement de la manière de mettre en œuvre l’invention. En Europe au moins, un document de priorité doit contenir une divulgation permettant de réaliser l’invention, ce qui rend essentiel d’inclure les informations relatives au dépôt dans le premier dépôt. En revanche, aux États-Unis, un dépôt peut être effectué beaucoup plus tard, jusqu’à une date fixée dans l’avis d’acceptation, ce qui pose un défi aux demandeurs américains pour satisfaire aux exigences étrangères.
Les demandes de brevet doivent inclure la date de dépôt et le numéro d’accès au dépôt. Une date de dépôt provisoire et un numéro d’accès seront fournis par une administration de dépôt dès la réception initiale du dépôt, mais si, après avoir testé l’échantillon, il s’avère qu’il n’est pas viable et qu’un nouvel échantillon doit être fourni, la date de dépôt peut changer. Afin de s’assurer que la date de dépôt et le numéro d’accès corrects sont inclus dans une demande de brevet, il est conseillé de commencer le processus de dépôt bien avant un dépôt de priorité afin de s’assurer que le test de viabilité peut être effectué avant la date de dépôt et que les informations contenues dans la demande de brevet seront correctes.
Accès des tiers aux dépôts
Une question clé dans le procès Corteva c. Inari concerne la question de l’accès des tiers aux semences déposées.
Inari a répondu aux allégations en faisant valoir que les semences brevetées déposées auprès de l’ATCC sont accessibles au public sans restriction après la délivrance d’un brevet. Ils soutiennent qu’en déposant les semences, Corteva a autorisé leur disponibilité et leur transport à des fins commerciales.
En vertu du traité de Budapest, une administration de dépôt internationale est tenue de conserver un dépôt pendant la plus longue des deux périodes suivantes : 30 ans à compter du dépôt initial ou 5 ans à compter de la dernière demande d’échantillon. Pendant cette période, toute personne physique ou morale peut demander un échantillon du dépôt, et l’administration de dépôt internationale doit le lui fournir à condition que cette personne ait des droits sur l’échantillon conformément au droit des brevets qui régit le brevet ou la demande de brevet se référant à cet échantillon.
Pour les demandes de brevet devant l’OEB, l’accès au matériel déposé peut être limité à un expert indépendant désigné, à condition qu’une demande d’accès restreint soit faite dans un délai déterminé.
Toutefois, cette restriction expire lors de la délivrance, date à laquelle, si le matériel déposé entre dans le champ d’application des revendications accordées, il peut alors être consulté par tout tiers, mais conformément au droit des brevets, il ne peut être utilisé qu’à des fins expérimentales. Des dispositions similaires s’appliquent aux États-Unis et au Japon. Inari a défendu son utilisation des dépôts de semences, déclarant dans un document déposé auprès du tribunal : « En échange de la délivrance de ces brevets, Corteva a assuré au public que les dépôts seraient accessibles au public sans restriction lors de la délivrance des brevets… Corteva cherche maintenant à revenir sur cette promesse. »
Conclusions
L’affaire Corteva c. Inari souligne qu’il peut y avoir des risques associés au dépôt de matériel biologique. Il existe des risques particuliers dans une situation où un brevet a été délivré, mais où le matériel déposé n’entre pas dans le champ d’application des revendications accordées. Si une invention peut être décrite d’une manière reproductible sans qu’il soit nécessaire d’effectuer un dépôt biologique, cela peut être préférable, à condition que les exigences en matière de divulgation soient clairement satisfaites.
Cette affaire souligne la complexité du brevetage de matériel biologique et l’importance cruciale de comprendre les exigences internationales en matière de dépôt afin de protéger la propriété intellectuelle.
Cet article a été préparé par les associés Punita Shah et Ellie Purnell


